[Interview - Rémy Cointreau] Prendre soin des équipes pour cultiver l’engagement
PerformanSe|2 min. de lecture|4 avril
Marc-Henri Bernard est un professionnel chevronné des RH, DRH depuis plus de 30 ans, mais c’est aussi un ancien sportif professionnel de haut niveau, handballeur international français aux 103 sélections. Aujourd’hui DRH du groupe Remy Cointreau, et de ses 2 000 collaborateurs dans le monde, il est donc particulièrement bien placé pour nous parler de l’engagement et de sa relation à la performance.
Pour vous, la question de l’engagement est-elle toujours une question importante en entreprise ?
Oui ! Sans hésitation. II n’y pas de vraie performance dans les collectifs sans engagement individuel associé. Créer de Ia performance, c’est donc en fait créer les conditions de l’engagement de chacun, Ia possibilité pour chacun de donner le meilleur de lui-même durablement.
Mais justement... comment créer les conditions de l’engagement au quotidien ?
En prenant soin des équipes, en sachant les mettre dans des conditions d’épanouissement et de réussite, en permettant à chacun de trouver sa place pour apporter la meilleure contribution possible à tous. II s’agit de créer un cercle vertueux, où chacun doit pouvoir s’épanouir donc réussir, et ainsi performer. Mieux je suis à ma place, plus je contribue, plus je suis récompensé, plus j’ai envie d’avancer...
Chez Remy Cointreau, comment avez-vous pu contribuer à cette dynamique ?
La première chose que j’ai mise en place en arrivant, en 2015, c’est justement une enquête d’engagement. Pour dire l’importance que nous accordions à la question, donner la parole à tous, créer un point de repère pour les mesures ultérieures et permettre la construction de plan d’actions associés. Car il est bien sur essentiel d’écouter, mais plus encore d’accorder de l’importance à ce qui est dit. C’est la matérialisation concrète de l’écoute qui crée le sentiment positif d’avoir été entendu.
Quelles actions concrètes avez-vous pu ainsi mettre en œuvre ?
Pour ne citer ici que quelques exemples, nous avons étendu à l’ensemble des collaborateurs en France (800 personnes) le check-up médical originellement réservé aux seuls membres du Comex. Sur la base du volontariat, chacun peut bénéficier ainsi gratuitement d’un check-up très complet, tous les deux ans avant 45 ans, et tous les ans après. Une manière très concrète de prendre soin des individus.
Sur un autre plan, très différent, nous avons également crée une Direction des Talents... et nous l’avons rendue indépendante de la DRH ! Pour qu’elle soit plus libre de ses réflexions et de ses propositions. Elle suit ainsi près de 600 personnes sur les 2 000 que compte le groupe au total, afin de donner à chacun le maximum de chances d’évoluer selon ses attentes et ses besoins.
Enfin, troisième exemple concret, nous avons mis en place un véritable actionnariat salarié : 77% des collaborateurs en France, 50% à l’étranger sont devenus actionnaires de Remy Cointreau. Un vecteur et un témoignage de confiance, naturel dans un groupe qui a le sens du temps long, de par son histoire, sa culture familiale, les terroirs qu’il cultive et les produits qu’il mature.
Créer de la performance, c’est créer les conditions de l’engagement de chacun.
En quoi les questions d’engagement vous semblent-elles avoir évolué ces dix dernières années ?
D’abord je crois qu’elles ont moins changé que ce que les journalistes et les consultants veulent bien en dire. Les jeunes, par exemple, ont toujours envie d’évoluer, qu’on leur offre de I’autonomie, qu’on leur permette de grandir et de prendre des responsabilités. Ce n’est pas nouveau en réalité ! Mais, il est clair que les questions de sens et de valeurs ont pris plus d’importance. Et que la question du partage de la valeur, de la redistribution des fruits de la croissance aussi. Selon moi, les entreprises qui ne prendront pas en compte ces dimensions, qui ne sauront pas conjuguer ainsi de vrais engagements Développement Durable avec une vraie participation des salariés, auront du mal à rester attractives. Ne serait-ce que parce qu’elles auront du mal à recruter les talents dont elles auront besoin.
Qu’est-ce que le sport de haut niveau vous a appris en termes d’engagement ?
D’abord l’importance de l’équipe, bien sûr, surtout pour moi qui vient d’un sport collectif. L’équipe est plus importante que les individus qui la composent, parce que la performance est toujours au final une performance collective. Et c’est vrai aussi en entreprise. Mais, au sein d’une équipe, j’ai pu vivre également l’importance de la complémentarité entre les profils. II est bien plus facile de créer une team compétitive en conjuguant des talents différents et complémentaires qu’en alignant des stars aux profils similaires... et souvent rivaux.
Et si vous aviez un conseil à donner, issu de vos expériences ?
Ce qu’un très grand entraineur m’a montré — et prouvé — c’est qu’il y a une grande efficacité à parier sur les qualités de chacun, leurs vrais points forts, là où ils sont naturellement les meilleurs. C’est ce qui crée à la fois de l’épanouissement et de la performance... donc de l’engagement. Alors que trop souvent le management a tendance à critiquer, mettre en lumières les défauts, confronter I’individu à ses manques et à ses limites. Soyons positifs, parions plutôt sur le meilleur de chacun. Et acceptons le reste !