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Intelligence Artificielle & RH : Et si le recours aux algorithmes créait un biais d’autorité ?

Alexandra Didry|4 min. de lecture|11 fevrier

Les outils nés de l’intelligence artificielle gagnent progressivement l’ensemble des domaines de nos activités, et l’univers RH ne fait pas exception. En recrutement comme en mobilité notamment, des algorithmes tentent de prévoir des adéquations et des comportements, facilitant le travail des équipes RH, suggérant des décisions, objectivant les processus. Mais que faire de ces résultats ? Doit-on les prendre au pied de la lettre ? N’y a t-il pas le risque de leur conférer une « autorité » qu’ils n’ont peut-être pas ?

Avec Alexandra Didry, Directrice Recherche et Développement de PerformanSe, et Docteur en psychologie sociale et du travail, nous nous sommes ainsi interrogés sur les risques, les écueils et le juste usage des outils d’IA en RH…


La situation : un recours accru aux outils d’IA

Outils d’évaluation, matching, d’appui au recrutement ou à la mobilité, à la détection des talents ou à la sélection des managers, pour trier des CV, sélectionner des candidats, évaluer des collaborateurs ou même la multiplication des ATS pour gérer les candidatures... la tendance est à l’IA. Ce n’est pas récent, mais c’est net et ça s’amplifie. Inexorablement ?


L’intérêt : des évaluations plus rapides, plus neutres, plus objectives


Dans un monde sous pression de rapidité, les outils d’IA savent produire vite en effet des résultats tangibles. Dans des univers en même temps sous forte pression d’objectivité – ne serait-ce que pour des raisons juridiques – les outils d’IA offrent aussi des données factuelles, indépendantes, dégagées de toute subjectivité personnelle directe. Ils présentent ainsi le double mérite de rendre des résultats rapides et d’objectiver les processus de décision.


La limite : quelle prédictivité réelle ?

Si les outils savent bien décrire des motivations et des comportements, comparer et classer selon des critères établis, ils prédisent assez modérément les performances associées. En effet, des éléments de contexte inédits (équipe, manager…) échappent à leurs filets. De même, ils ne disent pas ce que l’individu a appris à faire de son potentiel ou encore comment il « compense » un point de faille grâce à des solutions originales qu’ il a mis en place.  
Ces éléments singuliers peuvent apparaitre à la lumière d’un échange - sur la base de l’outil - pour nuancer ou conforter certaines hypothèses.

Notons aussi que plus le contexte est inédit ou éloigné de normes sociales en vigueur (par exemple un contexte anticonformiste ou très typé), plus il sera délicat de prédire un comportement de réussite !

L’outil propose et le RH dispose. Mais ce qui suppose que chacun endosse réellement sa place et assume ses limites et ses décisions.

Le risque : déposer sa responsabilité

Le recours aux outils offre ainsi un confort réel… donc la possibilité d’une déresponsabilisation active ! Pourquoi prendre le risque d’une décision personnelle en effet si je peux m’en remettre à l’outil… et me défausser ainsi prudemment de ma responsabilité ? Après tout, les décisions RH sont toujours des paris, les erreurs en recrutement sont fréquentes… pourquoi les endosser ?


Le biais : laisser l’outil décider pour moi…

Par prudence, timidité, paresse ou sens politique, la tentation peut donc être grande de faire ce que dit l’outil, comme il le dit. Mais si je considère « qu’il sait mieux que moi »… apparaît un biais ! Je confère à l’outil une autorité supposée – lié à l’objectivité des processus et à leur caractère d’expertise scientifique - qui n’a pas nécessairement lieu d’être. Que je pense l’évaluation de la machine supérieure à la mienne peut constituer ainsi un biais d’autorité (voir définition en encadré)…

Avoir une confiance aveugle comme on peut le faire quand on écoute son GPS pour se rendre dans un nouveau lieu, nous questionne, lorsque nous avons affaire à la matière humaine… par essence complexe, il y a toujours quelque chose qui échappe, et en premier lieu la subjectivité propre des sujets, qui ne se laisse pas si facilement attraper - heureusement !


La solution : chacun à sa juste place

Aucun test, aucune évaluation, aucun assessment RH ne permet en effet d’évacuer la relation individuelle, la compréhension fine d’un individu et d’un contexte, ni la responsabilité personnelle dans les décisions à prendre. L’IA en RH n’est pas là pour faire disparaître le RH lui-même ! L’outil propose et le RH dispose. Ce qui suppose que chacun endosse réellement sa place et assume ses forces, ses limites… et ses décisions. Si l’intelligence « artificielle » nous pousse à intégrer plus d’informations plus vite, à ne pas nous satisfaire de nos habitudes et de nos prismes, elle ne nous demande pas de renoncer à notre propre intelligence


La conclusion : l’homme et l’outil… pour un management toujours plus hybride !

De même que le management est devenu hybride - à distance / en présence - avec le développement du télétravail, les processus d’évaluation ont vocation à le devenir également, entre outils d’évaluation et entretiens approfondis, analyses objectives et mises en contexte personnalisées. Faire comme si les outils n’existaient pas n’a pas de sens aujourd’hui, mais faire de l’outil le décideur RH n’en a pas non plus. Comme souvent, la voie juste est certainement une voie du milieu : plus riche, car cherchant à conjuguer les atouts des deux dimensions, mais plus « challengeante » aussi pour chacun des acteurs : candidat, collaborateur, RH ou manager…

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