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Soft Skills

Tendances RH : Innovations, illusions, doutes, débats, réalités…

PerformanSe|3 min. de lecture|21 decembre

La fonction RH est par nature une fonction d’incertitude, qui ne repose ni sur une formation officielle type, ni sur une pratique scientifique, donc a priori sur aucun consensus. Elle est ainsi plus sensible aux tendances, aux idées neuves, aux nouvelles approches… mais aussi aux doutes et aux débats !

Pour mieux décrypter l’actualité des tendances RH, nous avons donc demandé conseil à trois experts réputés : Emmanuelle Joseph-Dailly, Conférencière, Coach, Auteur, Directrice du Lab Recherches et Prospective de Julhiet Sterwen - Jean Pralong, Directeur de Recherche au Lab RH & Professeur de GRH à l’EM Normandie - Luc Tardieu, Auteur, consultant, spécialiste des organisations et de la transformation managériale

Ils nous ont aidé à éclairer 7 questions d’actualité pour la fonction RH. Voici quelques éléments de synthèse issus de leurs différentes interventions…


#1. Pour mieux recruter les savoir-être… doit-on recruter sans CV ?


Le monde des RH est très ambivalent face à cette question plutôt récente. D’un côté en effet, il y a globalement consensus pour évoquer l’importance des « soft skills ». De l’autre demeure un attachement très fort au CV dans sa forme et sa fonction classique.

Le CV, en effet, a quelque chose de très pratique et de très rassurant pour un professionnel des RH. Il offre des repères clairs, permet une saisie d’informations rapide, selon des codes connus, pour une première appréciation simple. Et garantit en même temps de la part du candidat une capacité à entrer dans une forme officielle. Sans CV, plus de repères, tout est plus flou, les codes sont à construire de manière spécifique à chaque fois… Le CV est ainsi la base naturelle d’une évaluation très individuelle, de l’individu en tant que tel, avec sa formation et son parcours, plutôt que d’une appréciation contextuelle, d’un individu au sein d’une équipe. C’est pourquoi l’évolution des métiers et des compétences attendues plaiderait plutôt pour des approches plus souples, plus anglo-saxonnes, dans lesquelles on accorde moins d’importance a ce qui a déjà été, et plus à ce qui pourrait être, ici et maintenant, dans un contexte donné. En cherchant à mieux évaluer ainsi la « plasticité cérébrale » du candidat. Il n’est sans doute pas nécessaire de faire disparaître le CV pour autant, mais de l’inscrire dans un processus plus ouvert et plus attentif…


#2. Quel est l’intérêt réel d’un recrutement prédictif ?


Le recrutement prédictif (au sens piloté par l’intelligence artificielle) suscite beaucoup de réticences chez les professionnels des RH, et l’intérêt pour le sujet semble d’ailleurs avoir un peu régressé. Ne serait-ce parce que la robotisation du processus évalue mal l’intelligence situationnelle des candidats par exemple. Et aussi parce qu’elle ne sait pas inclure les dimensions de séduction et d’adhésion qui font partie intégrante d’un processus vivant et partagé, notamment lorsqu’il s’agit de convaincre des talents. Pour autant, les outils prédictifs existent et fonctionnent ! L’opposition entre anciens et modernes est donc sans doute ici moins féconde… que la collaboration.


#3. Y a t-il vraiment des conflits de générations dans les organisations aujourd’hui ?


Depuis que le monde est monde, les anciennes générations considèrent les nouvelles avec défiance. La période actuelle n’échappe pas à la règle ! Bien sûr les générations les plus récentes arrivent sur le marché du travail avec des rapports au temps, à l’espace, à l’autorité, aux équilibres de vie effectivement différents. Et notamment une demande de sens beaucoup plus forte que celle des générations précédentes. Ce n’est cependant pas une raison pour oublier que la question de la génération – vue comme un ensemble collectif, moyen, statistique – s’arrête toujours face à l’individu dans sa vérité propre. Une génération assemble seulement fictivement des gens du même âge. Elle ne dit rien de leurs différences ni de leurs singularités.

La fonction RH est plus sensible aux tendances, aux idées neuves, aux nouvelles approches… mais aussi aux doutes et aux débats!

#4. Les collaborateurs sont-ils moins engagés ?


La question de l’engagement au travail est bien sûr essentielle pour une organisation. Or les résultats actuels des études ne sont pas toujours très positifs pour les entreprises, ni rassurants quand on sait que le désengagement des uns fait plus facilement boule de neige que l’engagement des autres… La question est cependant à replacer dans un contexte d’évolution globale des contrats implicites… et des générations ! Les contrats anciens de type « loyauté contre sécurité durable » font en effet place à des engagements plus courts et plus contractuels, plus limités par nature en termes d’engagements.

A ce titre, il faudrait donc sans doute faire évoluer la question même de ce qui est mesuré. L’engagement de demain ne s’exprimera pas en effet comme celui d’hier, et la mesure des valeurs passées risque d’être d’autant plus décevante…


#5. L’entreprise libérée est-elle un facteur de performance ?


Quand on parle d’entreprise libérée, la question critique à se poser en amont est certainement : libérée… mais de quoi ? Pour nos trois experts, il est évident ainsi que l’entreprise a effectivement besoin de libérer l’autonomie et la créativité de ses collaborateurs. Trop de technostructures, de process, de cadres, de formatages créent effectivement des formes de travail inutilement lourdes et contraignantes. Toute intention d’allègement, toute volonté positive réelle de recréer de la liberté est donc positive. Si bien sûr elle est sincère, et ne relève pas d’une posture idéologique ni d’un double discours. Pour autant, une voix dissone parmi les experts ; selon Jean Pralong, de nombreuses grandes organisations fonctionnent encore très bien sur des bases autoritaires. Aucune des entreprises du SBF 120 ne se revendique comme libérée. Et les entreprises qui le seraient n’ont pas démontré a priori de compétitivité supérieure. Rien dans les faits ne permet donc d’affirmer que les entreprises libérées sont aujourd’hui plus performantes que celles qui ne se considèrent pas comme telles.


#6. Peut-on se former au leadership ?


La question de savoir si le leadership est inné ou non est une question très ancienne. Par contre, la manière de lire la question a beaucoup évolué : si auparavant cela s’appuyait sur des approches surtout centrées sur la personne du leader charismatique, désormais cela s’appuie sur des modèles qui pensent le leadership plutôt en termes d’actes ou d’intentions. Si le leadership en effet est la marque de fabrique de personnalités exceptionnelles, ayant une volonté très forte d’être perçues comme des stars (Steve Jobs ou Neil Young par exemple), alors la question de la formation se pose peu. Mais si on considère le leadership au contraire comme la capacité d’aider les membres de son équipe à révéler leurs talents, leur « génie » propre, la question fait déjà plus sens. A fortiori si le leadership s’exprime encore plus simplement en termes d’actes concrets et d’intentions positives d’accompagnement. Car si une certaine forme de charisme ne saurait être l’apanage de tous, on peut raisonnablement imaginer que nous soyons tous capables de progresser dans notre capacité à incarner concrètement des actes réels positifs de leadership…


#7. Est-ce que le télétravail nuit à la productivité ?


La réflexion globale sur le télétravail a été largement polluée par le contexte très particulier du confinement. La vraie question doit donc être abordée avec prudence, car nous manquons encore d’études et de recul. Nos experts ne sont d’ailleurs pas nécessairement d’accord sur le sujet ! Jean Pralong est ainsi sceptique, évoquant une étude qui montrerait que le télétravail représente surtout du stress en plus pour les individus concernés, ainsi qu’un temps plus long pour accomplir les mêmes tâches. Alors qu’Emmanuelle Joseph-Dailly s’intéresse plutôt à l’idée que la distance accroît la capacité attentionnelle. Comme l’apparence, le non-verbal perdent de leur importance puisqu’il n’y a plus de surveillance par les autres, les capacités cognitives peuvent être réattribuées à la concentration.

La juste réponse s’exprime certainement au final en fonction des tâches et des contextes. Il est évident qu’une certaine forme de créativité collective est indissociable d’une présence réelle, de temps d’échanges, même flous et informels. Alors que des tâches plus répétitives - une fois dégagées des contraintes de transport qui plus est - peuvent certainement être exécutées dans d’excellentes conditions chez soi…

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