L’engagement, un enjeu économique majeur pour les organisations

L’engagement, un enjeu économique majeur pour les organisations
Article nov. 02, 2023 4 minutes
PerformanSe X Christian Vandenberghe

Christian Vandenberghe est professeur à HEC Montréal où il anime une chaire de recherche dédiée au lien entre engagement et rendement au travail. Avec son équipe, il réfléchit ainsi depuis 25 ans sur les questions d’engagement dans les organisations. En visio depuis Montréal, nous avons recueilli son analyse de l’importance économique de l’engagement et des leviers pour le susciter au quotidien.

Comment définiriez-vous l’engagement ?

Pour moi, l’engagement correspond à un lien psychique fort de l’individu à l’organisation. Nous travaillons ainsi sur une définition de l’engagement selon trois dimensions possibles :

  • L’engagement peut être ainsi constitué d’un lien affectif à l’organisation, d’un attachement. Les valeurs de l’organisation deviennent aussi mes valeurs.
  • L’engagement peut être encore l’expression plutôt d’un lien moral, d’un sentiment de devoir, d’obligation vis-à-vis de l’employeur. C’était surtout le cas pour les générations précédentes. On entrait dans l’entreprise pour y faire une carrière longue en sécurité.
  • L’engagement peut être sinon un lien calculé, raisonné, économique, fonction de ma position, de ma rémunération, des avantages associés… Je sais ce dont je bénéficie et j’y tiens !

Mais il est clair que le lien affectif est le plus fort, le plus structurant, celui qui a le plus d’impact sur la performance au travail…

En quoi l’engagement est-il essentiel aux organisations ?

Pour deux raisons majeures. La première, c’est que – et toutes les études le montrent – il y a une corrélation directe entre engagement et productivité. Plus je suis engagé, plus je suis capable d’aller au-delà du contrat de base, de générer une performance « discrétionnaire » additionnelle. Quant à la seconde, elle tient au lien entre engagement et fidélité à l’organisation. Plus je suis engagé, plus je reste longtemps. Or le turn-over représente un coût très élevé pour les entreprises : coûts de recrutement, de formation, moindre qualité en périodes de transition etc. Sans compter la charge qui pèse alors sur ceux qui restent, facteur potentiel de risques psychosociaux… et de désengagement pour tous.

Avec la généralisation du télétravail, la période n’est pas favorable à l’engagement affectif ?

C’est vrai. Et c’est aussi pourquoi il est d’autant plus important de s’en préoccuper sérieusement ! Ce qui allait plus ou moins de soi il y a trente ou quarante ans – dans des périodes plus stables - est devenu un vrai défi. Mais les organisations qui ne sauront pas le relever sont menacées en vérité… On voit ici aujourd’hui, au Canada, des niveaux de turn-over qui peuvent atteindre, 30, 40 ou 60% des effectifs, atteignant directement la pérennité même des organisations concernées.

Plus je vois concrètement le sens de ce que je fais, plus facilement je peux être engagé dans mon action.
Christian Vandenberghe

Christian Vandenberghe

Professeur à HEC Montréal

Comment renforcer le lien affectif des équipes à l’organisation ?

  1. Les premiers sont liés à l’organisation. Sa capacité à démontrer un soutien réel à ses employés, par des gestes proactifs désintéressés. Mais aussi sa capacité à assurer la transparence de ses décisions, leur lisibilité, leur équité, leur valeur sociétale aussi. Plus l’organisation sera perçue comme intéressée, utilitariste, moins elle pourra créer une dynamique d’engagement durable.
  2. Les deuxièmes sont liés au management de proximité. Plus il est participatif, ouvert, capable de fédérer des équipes en souplesse, plus le lien affectif peut s’en trouver renforcé, a fortiori avec des générations jeunes qui sont très sensibles à la relation directe. On constate en effet qu’elles s’engagent moins vis-à-vis de l’organisation – contrairement aux générations précédentes – que pour des personnes avec qui elles sont en relation proche.
  3. Les troisièmes enfin sont liées aux missions elles mêmes. La diversité des tâches à accomplir, l’autonomie, la qualité du feedback sont constitutifs de l’engagement. Mais aussi le fait d’être en contact direct avec les clients, de savoir ce que font précisément les autres équipes et comment chacune concourt à un ouvrage commun… Plus je vois concrètement le sens de ce que je fais, plus facilement je peux être engagé dans mon action.

Vous avez des exemples concrets de réalisations positives ?

Nous avons ici près de Montréal l’exemple d’une PME de 200 personnes environ qui connaît des taux de turnover très faibles, très en-deçà des standards du marché. Pourquoi ? Parce qu’elle a fait confiance à ses employés. Elle a offert ainsi à chacun une très grande latitude d’organisation du temps de travail, y compris en termes de gestion des temps de vacances, ce qui est particulièrement innovant ici, au Canada, où les congés sont plutôt rares, comme dans toute l’Amérique du Nord. La confiance peut être ainsi un levier majeur pour susciter de l’engagement, c’est évident.

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